Après les métiers de rigger (ICI), de régisseur plateau (ICI), de régisseur général (ICI) et de technicien des effets spéciaux (ICI), voici le cinquième volet de notre dossier sur les métiers techniques du spectacle vivant : focus aujourd’hui sur le métier de directeur technique.
Les missions du directeur technique
Le directeur technique est un cadre technique : c’est d’ailleurs le poste aux responsabilités les plus élevées de la filière. Il est responsable de la coordination et du budget technique de tous les aspects d’une production de spectacle vivant : il prépare, organise, coordonne et contrôle l’ensemble des moyens humains et matériels nécessaires à la création, l’usage, la réalisation et l’exploitation technique de lieux, spectacles, événements ou festivals.
Une majeure partie du travail d’un directeur technique consiste à analyser les différents projets artistiques proposés, à vérifier leur faisabilité technique et financière puis à concevoir et piloter toute la partie technique nécessaire à la production et à la programmation de la structure : il est responsable de la mise en œuvre technique de la saison, il définit et s’assure des moyens techniques (plateau, décors, son, lumière, vidéo…), matériels et humains nécessaires. Le directeur technique travaille ainsi en étroite collaboration avec l’intégralité du personnel de la structure ; il est également responsable de tous les corps de métiers techniques, permanents et intermittents, qui interviennent dans la réalisation d’une production (décors, costumes, effets spéciaux…) et dans sa diffusion (machinerie, lumière, audiovisuel, accessoires…). Le management d’équipe fait donc partie intégrante de ces missions : plannings, coordination des équipes, formation du personnel…
Le directeur technique dispose également de responsabilités administratives, exercées sous l’autorité du directeur général ou du chef d’établissement. Il s’assure notamment de la sécurité des spectacles, des divers lieux et des personnes – public et travailleurs – mais est également en charge de la gestion des infrastructures et des équipements scéniques, de la scénographie d’équipement, de la maîtrise d’usage.
Les fonctions exercées peuvent être très différentes selon le type de structure et sa taille (théâtres, opéras, salles de musiques actuelles, arts de rue, festivals, compagnies, évènementiel…), le nombre de sites, son activité et les moyens humains et techniques mis en œuvre.
Le métier nécessite, en complément d’une expertise technique, d’une culture artistique avérée et d’un sens artistique, d’avoir des compétences transversales variées :
- Pilotage de projets
- Management d’une équipe
- Élaboration de budgets prévisionnels et gestion d’un budget technique
- Supervision de l’installation et de la mise en place des équipements techniques
- Veille technologique sur les dernières avancées en matière d’équipements et de techniques de production
- Veille et application de la règlementation en terme d’hygiène, de sécurité, de sûreté et de prévention des risques
- Compréhension de l’anglais technique
- Capacité d’arbitrage et de prise de décisions
- Sens de l’organisation.
Le métier de directeur technique du spectacle vivant est donc un rôle clé dans la filière du spectacle vivant, nécessitant une combinaison fine de compétences techniques, artistiques et de gestion d’équipe.
Les directeurs techniques s’organisent en réseau au niveau national et, selon l’offre disponible, également à l’échelon régional :
- Au niveau national : Réditec, l’association de réunion des directions techniques : créée en 2006, l’association regroupe aujourd’hui près de 320 professionnels du spectacle vivant (cadres techniques, responsables d’équipements, de salles ou d’évènements…) et se donne pour but de créer un espace d’échange convivial mais aussi de représenter et de promouvoir les métiers auprès de différents interlocuteurs institutionnels ou privés (ICI).
- Au niveau régional en Nouvelle-Aquitaine : RéNART, le Réseau Néo-Aquitain des Responsables Techniques du spectacle vivant. RéNART est animé par l’APMAC avec le soutien financier de la Région Nouvelle-Aquitaine.
Comment devenir directeur technique ?
La première voie consiste à suivre une des trois formations de niveau 7 existant actuellement afin d’accéder au métier de directeur technique :
- Diplôme « Arts et Techniques du Théâtre – ATT », parcours Direction technique : formation initiale à l’École Nationale Supérieure des Arts et Techniques du Théâtre (ENSATT) de Lyon, accessible avec un niveau bac + 3 et un examen d’entrée (ICI) ;
- « Directeur technique de spectacle et d’évènement », délivrée par le CFPTS (ICI). Formation pour des encadrants techniques ayant une expérience confirmée en régie générale ;
- « Directeur technique des entreprises du spectacle vivant » avec l’ISTS (ICI). Session échelonnée sur deux saisons pour tout technicien ayant une expérience professionnelle d’au moins cinq ans dans les fonctions d’encadrement technique du spectacle vivant.
La deuxième solution pour accéder au poste de directeur technique consiste en une évolution de carrière pour les professionnels ayant déjà une expérience conséquente dans le domaine de la régie générale et des métiers techniques du spectacle. En effet, la fonction de directeur technique peut s’obtenir sans détenir le diplôme spécifique, qui n’est pas obligatoire. Il est également possible de compléter son parcours via des modules courts permettant d’appréhender et d’acquérir les éventuelles compétences manquantes nécessaires à l’exercice du métier.
Et ensuite ?
Le métier de directeur technique s’exerce principalement comme salarié permanent dans une entreprise privée ou dans la fonction publique et territoriale (commune, département, régions…) mais peut aussi se dérouler en tant que salarié sous le régime de l’intermittence, notamment pour des festivals d’envergure, des tournées ou au sein de compagnies.
Les perspectives d’emploi dans le spectacle, l’audiovisuel ou l’événementiel sont donc nombreuses : salles de spectacle, festivals, tournées, théâtres, agences de communication spécialisées en évènementiel, prestataires, structures de production ou de diffusion, équipes artistiques…
La rémunération moyenne d’un directeur technique en début de carrière est d’environ 2 200 à 3 500 euros bruts par mois ; elle peut varier considérablement en fonction des contextes de production et des conventions collectives applicables, au nombre de trois dans le privé :
- Convention nationale des entreprises artistiques et culturelles (IDCC 1285) : filière technique, cadre du groupe 2 ou 3.
- Convention collective nationale des entreprises du secteur privé du spectacle vivant (IDCC 3090) : filière technique spectacle, cadre du groupe 2.
- Convention collective nationale des entreprises techniques au service de la création et de l’événement (IDCC 2717) : filière spectacle vivant et événement, cadre du groupe 7.
Dans la fonction publique territoriale, le directeur technique fait partie de la filière technique, cadre d’emplois des ingénieurs territoriaux (cadre A).
Le taux d’insertion professionnelle des directeurs techniques suite à un parcours de formation diplômant est excellent : 85% dans les 6 mois et 92% dans les deux ans d’obtention de leur diplôme (source : CFPTS pour le diplôme de « Directeur technique de spectacle et d’évènement »).
Témoignages
Deux personnalités de Nouvelle-Aquitaine ont accepté de présenter leur quotidien et de partager leurs diverses expériences, chacun avec un parcours original et une sensibilité différente : l’un orienté théâtre et danse, l’autre musiques actuelles. Merci à Yvon Trébout et Fred Jean pour leur participation !
Yvon TREBOUT, directeur technique de la Scène Nationale Carré-Colonne (Saint Médard en Jalles, 33)
Bonjour Yvon, pouvez-vous vous présenter et dire en quoi consiste votre métier ?
Yvon Trébout, directeur technique de la Scène Nationale Carré-Colonnes. En octobre 2005, je suis nommé directeur technique au Carré des Jalles, service Culture de la ville de St-Médard en Jalles. En octobre 2010 a lieu la fusion des établissements Carré des Jalles à Saint Médard et Les Colonnes à Blanquefort, d’où la création de l’EPCC Carré-Colonnes, deux établissements distants de 10 kms et comprenant trois salles et un festival.
Quel parcours professionnel avez-vous suivi ?
Étudiant en BTS Gestion comptabilité, je faisais deux petits boulots pour payer mes études. C’est en frappant à la porte d’un Opéra pour y faire la plonge que finalement j’ai découvert la scène. C’est ce qu’on appelle « Entrer par la petite porte ». Ensuite, j’ai beaucoup appris en formation interne grâce aux anciens. D’abord machiniste, puis constructeur de décor, puis électricien de plateau. J’ai eu la chance de travailler pour une société de maintenance en machinerie scénique, ce qui m’a permis de participer à la rénovation de plusieurs théâtres au cœur de la machinerie.
Nommé régisseur de scène à l’Opéra de Compiègne sous le statut d’intermittent, j’avais la régie générale comme objectif. C’est pourquoi j’ai suivi mes premières formations de SSIAP, de régisseur son et en sécurité dans le spectacle vivant au CFPTS de Bagnolet.
Après avoir opéré en tant que régisseur général d’évènements en espaces publics, de salons de l’automobile eu Europe pour une société de prestation évènementielle et une vingtaine de créations d’Opéra, j’ai décidé une pause en acceptant mon premier poste fixe durant 3 ans en régie générale de locations et prestations. Ce qui fut très formateur !
Comment en êtes-vous arrivé à la direction technique ?
Rappelé par le spectacle vivant et le souhait d’évoluer vers la direction technique, j’ai repris le poste de régisseur général et accepté la direction technique de l’Opéra de Compiègne classé aux monuments historiques. C’est la question des travaux et de la maintenance de cet établissement qui m’a attiré vers la direction technique. Le défi de monter un projet en lien avec des architectes, des scénographes, de défendre un budget, de suivre les travaux m’a réellement motivé pour ce poste.
A ce jour, j’assure la direction technique de la scène nationale Carré Colonnes et du Festival des Arts de Bordeaux. Ce qui représente deux établissements, trois salles et deux festivals hors les murs.
Pour me sentir pleinement légitime dans mes missions, j’ai obtenu le Master de Direction technique en 2015 délivré par l’ISTS d’Avignon, par le biais de la VAE (Valorisation des Acquis par l’Expérience) et continue à me former : licence d’exploitant du spectacle vivant, SSIAP3, réseaux scéniques, management, référent santé sécurité…
C’est un métier passionnant qui nécessite de l’écoute, du partage et de la hauteur car le quotidien peut nous faire oublier le sens premier, qui est de servir le spectacle, l’artiste et l’accueil des spectateurs.
Quels sont les enjeux et évolutions à venir dans ce domaine ?
Les enjeux sont de servir la création artistique tout en intégrant les notions nouvelles de management d’équipe, de qualité de vie au travail et de prévention des risques. Les évolutions majeures doivent d’une part, se résoudre par la reconnaissance de la place du DT au sein de la direction et d’autre part, par l’intégration de l’IA comme outil quotidien et dans les pratiques artistiques.
Quel(s) conseil(s) donneriez-vous pour se lancer dans la direction technique ? Quelles sont les compétences essentielles attendues ?
Issu du terrain, je crois qu’il est nécessaire aujourd’hui de passer par la case « Formation » ; Les notions précitées sont devenues fondamentales. Il est important de se savoir légitime au sein de la direction, d’intégrer le projet d’établissement pour bien mener ensuite les équipes permanentes et intermittentes.
Savoir préparer et gérer un budget à la fois de fonctionnement mais aussi d’investissement ;
Apprendre à écouter pour mieux manager son équipe, le savoir être est prépondérant ;
Avoir une parfaite connaissance de l’outil théâtre, pas uniquement sur le plan technique mais dans toute sa dimension architecturale et bien sûr les équipements scéno-techniques car bien souvent le DT est l’interlocuteur des élus, des services techniques qui ne connaissent pas forcément ces installations ;
Par ailleurs, la formation en prévention des risques est une notion incontournable en direction technique, utile pour la rédaction des plans de prévention, de la tenue du document unique et de l’accompagnement des collègues en sécurité vers le bien être au travail.
Fred JEAN, directeur technique de la SMAC La Sirène (La Rochelle, 17)
Bonjour Fred, pouvez-vous vous présenter et dire en quoi consiste votre métier ?
J’assure la direction technique de La Sirène depuis janvier 2020. L’idée étant que le lieu soit en ordre de marche pour que le projet artistique et culturel porté par l’association XLR puisse se mettre en place et se développer (La Sirène, créée en 2011, est labellisée Scène de Musiques Actuelles depuis 2013, NDLR).
Quel parcours professionnel avez-vous suivi ?
J’ai découvert le milieu du spectacle en 1996 à la Nef à Angoulême. A l’époque, je terminais des études de droit et j’envisageais de faire du journalisme. Durant mes années d’études, je « pigeais » pour la Charente Libre et Europe 2 Angoulême où j’assurais les matinales du week-end et des directs dans le cadre de multiplex sportifs. Bien attiré par la musique, j’en profitais pour aller à la Nef faire des interviews de groupes et des comptes-rendus de concerts.
Lorsque l’heure du service national a sonné, j’ai sollicité la Nef pour m’accueillir en service civil. Ils m’ont accueilli pour 10 mois, initialement pour rédiger les textes du programme et assister la personne en charge de la communication et de la production. Quinze ans plus tard, j’ai quitté la Nef en ne faisant plus du tout de comm’ mais en assurant la production et la direction technique !
Après la Nef, je me suis lancé en tant qu’indépendant en montant ma boîte et j’assurais des missions très diverses de régie générale et de direction technique pour des salles, des producteurs, des festivals, des agences de communication et divers organisateurs de spectacles.
J’ai eu l’occasion de faire des choses très variées et j’ai surtout pu découvrir des secteurs que je n’avais pas connu jusqu’alors (compagnies de danse, installations plastiques dans l’espace public, agences évènementielles, festivals de films notamment).
J’ai beaucoup travaillé pour La Cigale (Paris) ou encore pour O Spectacles à Nantes, qui fait de la promotion locale au Zénith ou à la Cité des Congrès de Nantes. J’ai travaillé sur Rock en Seine avec l’équipe du site pendant quelques années et j’ai assuré pas mal de régies artistiques sur différents festivals (Nouvelles Scènes, Blues Passion, Printemps de Bourges, 7e Vague…) et j’ai découvert la régie de tournée avec divers artistes.
Au milieu de tout ça, j’intervenais aussi auprès d’associations qui souhaitaient structurer leurs projets sur le plan technique et qui avaient besoin de points d’appui.
Comment en êtes-vous arrivé à la direction technique ?
Complètement par hasard finalement ! Il se trouve que j’ai beaucoup travaillé dans l’animation quand j’étais étudiant et j’ai eu l’occasion de travailler dans un gros centre de loisirs où on accueillait 350 enfants qui arrivaient au centre par 7 lignes de bus différentes, drivés par une quarantaine d’animateurs et qui devaient rentrer chez eux chaque soir en ayant vécu une bonne journée (et surtout en bonne santé !). En gros, de la bonne grosse régie générale !
Finalement, j’ai baigné très tôt dans la coordination de projets, l’encadrement et l’accompagnement.
Du coup, lors de l’évolution du projet de la Nef avec l’extension et l’arrivée des locaux de répétitions, nous avons créé un poste de direction technique-régie générale, que j’ai accepté. J’ai profité de la période de chantier pour me former (habilitations électriques, travail en hauteur, accroche, SSIAP, etc) ce qui m’a permis de mettre des mots et des notions théoriques sur des choses que j’avais jusqu’à présent pratiquées de manière informelle.
En 2006, nous avons monté à la Nef, en co-production avec Radical Production, la Garden Nef Party, festival Rock en plein air, ce qui m’a permis d’aller plus loin et de découvrir la direction technique de festival. Cette expérience a été d’une grande richesse et m’a permis de dépasser le simple cadre de la DT d’une petite salle.
Quels sont les enjeux et évolutions à venir dans ce domaine ?
Ils sont nombreux et variés ! Les évolutions technologiques nous obligent à un suivi permanent pour faire en sorte que nos lieux restent en phase avec l’époque et avec les productions du moment.
Au-delà de la veille technologique, ça implique aussi que le personnel soit formé. Il y a un gros challenge là-dessus à mon sens : d’une part pour la formation continue des personnels en exercice mais aussi, et surtout, pour renouveler ce personnel dans les années futures. Dans nos salles, les équipes techniques sont vieillissantes malgré tout. Et sans tomber dans le jeunisme, il faut qu’on fasse en sorte que nos lieux s’inscrivent dans leur époque, sur le plan artistique et sur le plan technique.
Quel(s) conseil(s) donneriez-vous pour se lancer dans la direction technique ? Quelles sont les compétences essentielles attendues ?
Des conseils je ne sais pas trop …. si ce n’est avoir envie !
Personnellement, j’aime bien le coté transversal des missions : être capable de causer son, lumière, vidéo, réseau, bâtiment, sécurité, qu’il s’agisse de sécurité incendie, de gestion des flux ou de prévention et sécurité des salarié(e)s, je trouve ça hyper intéressant.
Sans être spécialiste de tous les domaines, il faut être capable de comprendre ce qui se passe partout, avoir une vision à 360° pour que tout le monde puisse bosser dans de bonnes conditions et surtout qu’on puisse offrir au public des spectacles de qualité dans les meilleures conditions. Être à l’écoute, être curieux, faire preuve d’empathie, avoir une certaine capacité d’analyse et de synthèse, mais aussi être capable de trancher et d’assumer des choix sont des compétences qu’il faut tenter de maîtriser au mieux.
Et au-delà du ou des savoir-faire, il s’agit aussi de faire preuve de savoir-être pour que les artistes, les équipes d’accueil et bien sûr le public vivent les meilleurs moments possibles.