L’alternance comme solution de formation idéale dans les métiers techniques
Les vertus de la formation par alternance ne sont plus à démontrer. Modalité de formation consistant à préparer une certification professionnelle en alternant phases en centre de formation (25% du temps) et phases en entreprise d’accueil (75% du temps), ce système présente de nombreux avantages pour les alternants comme pour les entreprises. L’alternant prépare un diplôme reconnu tout en acquérant une expérience concrète ; il bénéficie d’une prise en charge intégrale de la formation et est rémunéré. C’est une véritable passerelle vers l’emploi et l’insertion professionnelle. Pour l’entreprise, investir sur un alternant revient à pouvoir recruter une personne adaptée à ses besoins et contribuer à donner sa chance à un candidat motivé. Les frais de formation sont pris en charge par les organismes financeurs (OPCO) pour les structures privées et par le CNFPT pour les structures publiques.
Deux types de contrats de travail sont proposés pour les formations par alternance : contrat d’apprentissage et contrat de professionnalisation, pour une durée limitée ou indéterminée (CDI). Les contrats d’apprentissage sont destinés à des jeunes de 16 à 29 ans mais aussi, sans limite d’âge, aux travailleurs handicapés, aux personnes ayant un projet de création ou de reprise d’entreprise et aux sportifs de haut niveau. Toute entreprise du secteur privé, y compris une association, peut embaucher un apprenti. Le secteur public non industriel et commercial (dont les 3 fonctions publiques) peut également recourir à l’apprentissage, ce qui n’est pas le cas avec le contrat de professionnalisation. Le contrat de professionnalisation est quant à lui ouvert aux jeunes de 16 à 25 ans et aux demandeurs d’emploi de plus de 26 ans, aux bénéficiaires du revenu solidarité active, de l’allocation de solidarité spécifique ou de l’allocation aux adultes handicapés, ainsi qu’aux personnes ayant bénéficié d’un contrat aidé.
Suite à la hausse des contrats en alternance signés en 2019 et aux effets économiques et sociaux de la crise sanitaire de la Covid 19, un plan de relance de l’apprentissage avec de nouvelles mesures est entré en vigueur en mai 2020, pour lequel le gouvernement a notamment mis en place une aide exceptionnelle à l’embauche d’alternants. Si son montant a diminué en 2023, il reste attractif : 6000€ versés la première année de contrat pour toutes les entreprises de moins de 250 salariés.
Des contrats sous-utilisés par les entreprises du spectacle vivant
Malgré la hausse des aides, Pôle Emploi et l’AFDAS constatent que les structures du spectacle vivant dédaignent les contrats par alternance. Ces contrats représentent en 2022 34% des contrats de travail pour l’ensemble des entreprises relevant de l’AFDAS (sport, loisirs, culture, presse, publicité…) et ayant au moins un salarié permanent (étude en cours de publication ; données AFDAS 2022). Dans l’audiovisuel et l’édition, ces contrats représentent environ 30%. Dans le spectacle vivant, si le taux d’embauche en alternance augmente (7% en 2020), il n’est que de 16% en 2022. Autre point, l’utilisation des contrats en alternance est également très disparate selon le domaine de formation : 54% des contrats en alternance du spectacle vivant sont signés dans les métiers administratifs, 20% dans les métiers techniques et 14,9% dans les métiers artistiques. Les formations par alternance sont pourtant particulièrement adaptées aux métiers techniques : la maîtrise des méthodes et gestes nécessitent une mise en pratique constante.
Outres les freins financiers liés à la rémunération des alternants, accrus par les investissements LED et l’augmentation des charges fixes, d’autres facteurs peuvent être identifiés pour les entreprises : ce n’est « pas pour eux », « trop compliqué », « long » ; les contenus leur semblent éloignés de leurs besoins. Pourtant, des difficultés de recrutement sont unanimement observées dans le secteur et il paraît contradictoire de ne pas prendre le problème à la source en contribuant à former de futurs professionnels. D’autant que les intérêts sont nombreux : coût modéré pour un salarié qui sera formé et opérationnel sur les méthodes de travail de la structure, fidélisation de futurs professionnels, motivation du personnel avec la satisfaction de voir des alternants réussir et s’insérer dans la vie professionnelle. Il faut également rappeler que l’alternant est un salarié à part entière : les lois, règlements et convention collective lui sont applicables dans les mêmes conditions qu’aux autres salariés (temps de travail, congés, acquisition de droits formation, absences…).
L’apprentissage souffre également d’une mauvaise image, celle d’une voie de garage pour des élèves ayant un niveau trop faible ou manquant de savoir-être.
D’autres entreprises ont aussi vécu une mauvaise expérience avec un apprenti. Il serait effectivement malaisé d’affirmer qu’il n’y a que de bonnes expériences dans le recrutement d’un alternant mais les ressources humaines sont par définition exemptes de certitudes, quels que soient le type de contrat et le profil recruté : que ce soit un jeune ou un directeur technique expérimenté, le risque zéro n’existe pas. Les chiffres vont d’ailleurs dans ce sens : le taux de rupture des contrats d’apprentissage est de 3,7% en 2020 (1,8% pour les contrats de professionnalisation).
En résumé, l’apprentissage fonctionne lorsqu’il est inscrit comme une culture de l’entreprise, le lien ne se faisant pas de façon évidente entre le fait de former un alternant et celui d’intégrer un nouveau collaborateur dans sa sphère professionnelle. Si les arguments en faveur de l’alternance sont nombreux, il convient de continuer à travailler pour changer la vision sur l’alternance et lever les freins qui y sont afférents. C’est notamment un des rôles des OPCO (dont l’AFDAS), dont les conseillers sont présents auprès des structures culturelles dans l’élaboration de leur plan de formation.
Des freins du côté des alternants
Au delà de cette problématique de sous-utilisation de l’alternance par les entreprises du spectacle vivant, les difficultés de recrutement touchent également les candidats aux formations longues. Du côté des organismes de formation, le constat est unanime : depuis la période Covid, le nombre de candidatures est fortement à la baisse, même avec la promesse d’un diplôme et d’un contrat d’apprentissage.
Se pose donc la question de l’attractivité des métiers techniques : leur représentation collective peut déjà être mise en cause. Pénibilité, difficultés à concilier vie personnelle et professionnelle, rémunération insuffisante, précarité de l’emploi liée notamment à l’intermittence… Il convient de repenser l’image des métiers techniques et de travailler des arguments pour les valoriser.
Autre argument en défaveur des dispositifs de formation par alternance : leur rémunération peu attractive pour des jeunes. En effet, le salaire versé par l’entreprise est faible : 43% du SMIC pour les 18-20 ans et 53% du SMIC pour les 21-25 ans. Les apprentis disposent d’une aide financière de la Région au passage du permis mais pas d’aides pour les déplacements. De même, si des aides financières de l’AFDAS existent pour l’hébergement et la restauration, seules les formations dispensées dans des CFA disposant de lieux de restauration et d’hébergement sont éligibles, ce qui n’est possible que sur des CFA de taille déjà conséquente. Les frais annexes peuvent donc être plus que certains, d’autant plus si l’alternant doit se loger à la fois pour ses cours en centre de formation et à la fois pour les périodes en entreprise : le frein financier est donc plus que réel et creuse des inégalités pour des alternants qui prépareraient une certification de niveau 3 et 4, souvent plus éloignés de l’emploi et sans diplôme.
Pour les contrats de professionnalisation, s’ils sont mieux rémunérés avec 55% du SMIC pour les 18-20 ans et 70% du SMIC pour les 21-25 ans, les aides à destination des entreprises sont moins attractives et leur nombre reste très faible (18% de contrats de professionnalisation contre 82% de contrats d’apprentissage en 2020).
Le dispositif de formation par alternance, s’il a bien démontré son efficacité, reste encore boudé par les structures du spectacle vivant, et notamment dans les métiers techniques. Il s’agit pourtant d’une des meilleures solutions qui permettra, à terme, de résoudre la problématique du manque de ressources humaines : il parait alors urgent que le secteur culturel change sa vision de l’alternance et fasse de ce système de formation un des piliers de sa culture d’entreprise !